Employeurs : quelles sont vos obligations en matière d’organisation du travail et des conditions de travail de vos salariés afin de garantir leur sécurité et préserver leur santé ?
Est considérée comme travailleur handicapé toute personne dont les possibilités d’obtenir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites par suite de l’altération d’une ou plusieurs fonctions physique, sensorielle, mentale ou psychique (article L 5213-1 du code du travail).
La qualité de travailleur handicapé est reconnue par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH).
De nombreuses dispositions légales prévoient des mesures visant à favoriser l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap et à accompagner les travailleurs dans le milieu ordinaire de travail.
Employeurs : quelles sont vos obligations en matière d’organisation du travail et des conditions de travail de vos salariés afin de garantir leur sécurité et préserver leur santé ?
L’article L 4121-1 du code du travail dispose : « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes ».
De l’impératif général de sécurité découle un certain nombre d’obligations que l’employeur est tenu de respecter à l’égard de tous les salariés, qu’il soient reconnus travailleurs handicapés ou non.
L’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des salariés de l’entreprise, doit en assurer l’effectivité en prenant en considération les propositions de mesures individuelles telles qu’aménagements, adaptations ou transformations de poste, justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge, à la résistance physique ou à l’état de santé physique et mentale des salariés que le médecin du travail est habilité à faire en application de l’article L 4624-1 du Code du travail (Cass. Soc. 19 décembre 2007, n°06-43.918 ; Cass. Soc. 23 septembre 2009, n°08-42.629).
Cette obligation de prise en compte des recommandations médicales s’applique quelque soit l’avis rendu par le médecin du travail (aptitude ou inaptitude du salarié).
Il appartient à l’employeur de justifier qu’il a effectivement procédé à l’adaptation préconisée par le médecin du travail (Cass soc. 14 octobre 2009, n°08-42.878).
En cas de refus de l’employeur de prendre en compte les recommandations du médecin du travail, il doit en faire connaître les motifs.
Ainsi, la Cour de cassation considère que si l’employeur n’applique pas les préconisations du médecin du travail, dont il avait pourtant été informé, il commet un manquement à son obligation de sécurité, ce qui peut justifier sa condamnation à verser des dommages et intérêts au salarié (Cass. Soc. 27 septembre 2017, n°15-28.605).
Conformément aux dispositions de l’article L 5213-6 du Code du travail, «l’employeur doit prendre en fonction des besoins, dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs handicapés d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée (…) ».
Par mesures appropriées, il faut entendre «des mesures efficaces et pratiques destinées à aménager le poste de travail en fonction du handicap» (Directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000).
Les salariés handicapés peuvent bénéficier d’aménagements d’horaires et le recours au télétravail doit être facilité.
Par ailleurs, l’article R 4225-6 du Code du travail prévoit que dans le cadre de leur activité professionnelle, les travailleurs reconnus handicapés par la CDAPH doivent pouvoir accéder aisément à leur poste de travail et que ces derniers doivent être aménagés si leur handicap l’exige.
Cependant, ces mesures ne doivent pas entraîner des charges disproportionnées pour l’employeur. Afin d’évaluer le niveau de ces charges, il est notamment tenu compte «des coûts financiers et autres que les mesures impliquent, de la taille et des ressources financières de l’organisation de l’entreprise et de la possibilité d’obtenir des fonds publics ou toute autre aide» (par exemple celles accordées par les fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées - AGEFIPH et FIPHFP).
Lorsque l’aménagement du poste de travail nécessaire au travailleur handicapé représente objectivement une charge disproportionnée pour l’entreprise (ce que l’employeur doit démontrer), l’employeur ne peut le maintenir sur un poste inadapté, au risque de le mettre en danger et de créer un risque pour sa santé et sa sécurité.
Pour satisfaire à son obligation, l’employeur se doit alors de rechercher des solutions, notamment au moyen d’un reclassement du travailleur handicapé sur un poste adapté.
Ainsi, des juges du fond ont estimé que l’employeur qui avait refusé de suivre les préconisations du médecin du travail pour aménager (en terme d’horaires) le poste d’une salariée reconnue travailleur handicapé a manqué à son obligation de sécurité de résultat, celui-ci ne rapportant pas la preuve de sa recherche d’aménagements du poste de travail (CPH de Saint Denis, 28 juillet 2017, RG n° F15/0246).
Le dernier alinéa de l’article L 5213-6 du Code du travail prévoit que le refus de prendre des mesures appropriées peut être constitutif d’une discrimination au sens de l’article L 1133-3.
Dès lors que l’employeur n’est pas en mesure de démontrer que l’aménagement de poste préconisé par le médecin du travail à l’égard d’une personne en situation de handicap engendre une charge disproportionnée, son refus de suivre ces mesures constitue une discrimination fondée sur le handicap.
Suivant l’article L 1132-4 du Code du travail, toute disposition ou tout acte pris à l’égard d’un travailleur, en méconnaissance du principe de l’interdiction de discrimination fondée sur le handicap, est nul.
En conséquence, les mesures prises par l’employeur à l’égard d’un travailleur handicapé, sans justifier avoir mis en place les mesures d’aménagement raisonnables nécessitées par le handicap, sont nulles et réputées ne jamais avoir été prononcées.
Le non-respect répété par l’employeur des préconisations du médecin du travail peut dans certains cas constituer un harcèlement moral.
Tel est le cas lorsque l’employeur s’obstine à ne pas respecter les indications données par le médecin du travail et à faire exécuter au salarié des tâches interdites sous prétexte qu’elles faisaient partie intégrante de son travail (Cass. Soc. 28 janvier 2010, n°08-42.616).
La Haute Juridiction a ainsi donné raison à une salariée qui avait pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur et soulevait un fait de harcèlement moral résultant du refus réitéré d’adapter son poste de travail, au motif que le poste de travail avait comporté de manière habituelle un port de charges d’un poids excessif, contrairement aux préconisations du médecin du travail, de sorte que l’employeur avait gravement nui à la santé de l’intéressée (Cass. Soc. 7 janvier 2015, n°13-17.602).
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L’inaptitude définitive au poste de travail prononcée par le médecin du travail peut conduire l’employeur à licencier régulièrement un travailleur handicapé pour ce motif, en cas d’impossibilité de reclassement.
Toutefois, la nullité du licenciement est encourue si l’inaptitude du salarié résulte d’actes de harcèlement (Cass. Soc. 3 mars 2009, n°07-44.082 ; Cass. Soc. 18 mars 2014, n°13-11.174).
En outre, lorsque des manquements de l’employeur à son obligation de sécurité en matière de protection de la santé conduisent le salarié à être déclaré inapte par le médecin du travail, le licenciement pour inaptitude peut être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Tel est le cas lorsque l’employeur n’a pas pris toutes les mesures nécessaires pour assurer le respect des préconisations du médecin du travail et que ces manquements ont entraîné une aggravation de l’état de santé du salarié et ont participé à l’inaptitude du salarié à son poste (Cass. Soc. 17 octobre 2012, n°11-18.648).
Il convient donc d’être particulièrement vigilant sur le respect des préconisations médicales formulées par la médecine du travail, et ce, durant toute la relation contractuelle.
Les mesures adéquates pour garantir le maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap peuvent être définies dans le cadre de l’évaluation des risques professionnels.